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Bateau de pêcheurs sur l'Oyapoque - Fleuve de Guyane |
Saint Georges le nid Boyé
7h du mat’. Il faut rejoindre les taxis collectifs. Il faut entre 3 et 4 h pour aller sur St Georges. Pas grave, ça fait tellement longtemps que je rêve de voir le village dans lequel j’ai fait mes premières expériences de vie. Il y a 24 ans en arrière, mes parents y vivaient. Autant dire que la vie à bien changé depuis.
Au début, il y a eu l’attente, les visages qui se mêlent, se scrutent. Après le changement sur le côté de la route : les taxis collectifs ne vont pas directement sur St Georges. Le clou du spectacle fut la douane. Nos très cher amis bleus arrêtent tout convois sur la route du Brésil. Ils y cherchent drogue, or, clandestins… L’accueil est musclé. Ce sont des cow-boys organisés en bande, armés jusqu’au poing. Après ça je suis sûr que l’argument est la protection de nos frontières, ce qui n’est pas le cas et est de loin très insuffisant.
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Changement de Taxi collectif sur le bord de route |
St Georges est un petit village en bord de fleuve. L’Oyapoque marque la frontière entre la France et le Brésil. C’est un des plus grands fleuves de Guyane. Le centre ville est très simple. Il y a une petite place avec un mémorial, la mairie, l’hôtel et quelques commerces (bars). La journée, il ne se passe pas grand-chose. L’ambiance y est étrange, glauque. Tout le monde est épié. En permanence, les gens transitent entre le Brésil (OYAPOQUE) et St GEORGES. 24h / 24 ce sont des dizaines de pirogues qui font le va et viens. La pirogue et le bac sont les seuls moyens de traverser, sans oublier bien sur, l’avion.
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Bac de transport de marchandises en St Georges et Oyapock |
Plus tard, il y aura un pont. Certains parlent d’une opportunité, moi je penche plus pour ceux qui disent que le pont fera du village la proie évidente d’une immigration fulgurante… Et puis, il y aura tous ses piroguiers qui perdront leurs emplois. Et peut-être toutes ces femmes, péripatéticiennes, qui la nuit tombée viennent subvenir aux pulsions des Européens. Est-ce positif ? Je vous le demande. Moi je ne sais quoi dire. Le thème du tourisme sexuel est un des faits troublant de notre époque. Pourquoi ne fait-on rien pour la Guyane ? Et si quelque chose était à faire, de quoi vivraient toutes ces femmes ? Ne serions-nous point coupable de leur enlever le seul espoir qu’elles ont ? Est-ce bien d’espoir dont on peut parler ? Je m’interroge !
Une rapide virée dans mon village d’enfance me donne le ton. Il y a quelques routes, surtout des pistes. Toute la partie centrale est construite en dur, le reste se compose de cabane ou de maisons en bois pour les plus fortunés. J’ai réussi à retrouver notre ancienne demeure. Du moins ce qu’elle est devenue. La maison de mes parents a été rasée pour être reconstruite. Ainsi je ne me rendrais jamais compte des conditions réelles dans lesquels mes parents ont vécu. Néanmoins je me laisse divaguer. Je pars dans mes rêves et revois les quelques beaux moments de leur vie. Je revois leurs sourires, la joie de ma mère alors qu’elle tentait d’arracher la moto à son propriétaire. Je revois mon père sur les quais du village, attendant sa marchandise. Je me dis aussi que les choses devaient êtres bien différentes à l’époque. Que les disparités marquantes dont est frappée cette région de Guyane, ne laissaient pas ce goût amer d’hypocrisie de monde moderne.
Le soir venu, je décide de prendre mon dîner sur la terrasse de l’hôtel. Il fait nuit. La place est illuminée, une lumière jaune pèse sur la pénombre. Je suis seul au milieu de militaires, de personnes venus en mission et de brésiliens. Il n’y a rien d’autre à faire que de se regarder les uns et les autres. C’est très étonnant, car toutes personnes sont marquées par une singularité, personne ne se ressemble. Il y a ces trois hommes sur ma gauche, qui semblent louches. Ils ne parlent pas fort et scrutent leur proche environnement. Il y a ce couple d’européens, tout droit tiré d’une bande dessinée. L’homme habillé comme un vrai colon et sa femme prête à faire face à la forêt. Soudain, j’aperçois un des piroguiers. Il est accompagné de trois Brésiliennes. L’homme désigne du bout du doigt, la table qui se trouve sur ma gauche. Sans poser de questions, les femmes se dirigent vers le lieu, tels des agents en mission et prennent place, sans faire de bruits, auprès de leurs hôtes. Elles ne disent rien. Les hommes les ignorent presque. Pourtant ils se retrouveront plus tard dans la plus strict des intimités.
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Ombrelle sur l'Oyapoque |
Au final, nous sommes restés à parler sur la place du village. Nous étions assis là, et sommes devenus amis. Depuis il ne cherche plus à m’offrir des cadeaux… ! Je compris plus tard qu'il devait également se donner au tourisme sexuel avec les hommes en mission sur le village. Il me fit comprendre que les hommes se sentent vite seul dans ce coin du monde et que le tourisme de charme était monnaie courante dans le coin. J'en resta là et décida d'aller me coucher pour retrouver ma chambre climatisée en bon touriste !!! Vu la chaleur et la moiteur : ce n'était pas du luxe. La journée fut bien assez remplie d'émotions.
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Vue sur le fleuve Oyapoque et sur la rive brésilienne qui fait face à Saint Georges |
Suite du voyage : Oyapock mes premiers pas au Brésil >>
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